Le CH de Flers souhaitait une création artistique pour la salle d’attente des consultations externes au rez-de-chaussée, un espace de 80m² qui voit passer une grande diversité de patients et de soignants,. La salle est très fréquentée et le temps d’attente peut être long. L’établissement souhaitait qu’ « émerge une création surprenante, intrigante pour occuper le temps de présence de l’usager, l’amener à se poser des questions, lui donner envie d’en découvrir plus sur cette création, et pourquoi pas de l’utiliser pour lui faire perdre toute notion du temps, pour l’emmener ailleurs, le faire voyager, par des sons, par du visuel… pour l’aider à se déconnecter du temps .»
Benoît Labourdette propose des images presque abstraites, la projection est subtile, très très lente, et le visiteur qui s’y attarde peut y voir une peinture au sol avant de remarquer le mouvement. L’œuvre est ainsi proposée mais non imposée aux patients.
La projection d’images vidéo met les personnes dans une expérience esthétique inédite, qui invite à la détente, à la contemplation, et à une activité ludique très douce, particulièrement adaptée à des moments d’attente. L’image est immatérielle, mais elle vient rencontrer la surface matérielle. Ainsi, l’image vient dessiner un imaginaire dans le réel. Elle propose un décalage du regard sur le quotidien, et ouvre ainsi l’imaginaire de chacun et chacune. Contempler, par exemple, tout simplement, les mouvements de feuilles d’arbre ou de la mer, projetées devant soi, c’est ouvrir la porte à la projection de ses propres souvenirs de sensations.
Ces images, discrètes mais présentes, ne s’imposent pas, elles sont elles-mêmes surfaces de projection de l’imaginaire de chacun. Ces vidéos de la nature, médiée par le regard de l’artiste, sont ouvertes au regard du spectateur. L’artiste devient un médiateur entre la personne qui vit-regarde, la nature, et l’intériorité de la personne. L’artiste aide à une ouverture vers soi-même, joyeuse et calme.
De même que le projet s’est délicatement adapté à l’espace, l’espace a accueilli ces images et aujourd’hui les chaises sont toutes dirigées vers les images.
« Ce n’est pas une image dans un coin, c’est une image qui devient une architecture ».
Comment le montrait l’architecte Paul Virilio il y a déjà 25 ans, la vidéo est quelque chose qui peut vraiment faire partie d’une architecture. Alors qu’on n’imagine pas la vidéo comme une composante architecturale., à Flers, l’artiste en a «eu la preuve, parce que l’architecture, c’est aussi la façon dont les gens s’approprient un lieu. Dans les fait une œuvre dans un espace public, c’est pas juste un objet plaqué là, c’est un objet qui fait corps avec l’espace public et qui en transforme l’usage ».
Entre janvier et mai, Benoît Labourdette a réalisé 8 visites et plusieurs ateliers avec des personnels du CH de Flers. Il s’agissait de les accompagner pour filmer des images autour de l’établissement, de les guider sur la prise de vue. D’ailleurs pour que chacun puisse contribuer au projet, un petit guide a été distribué en interne et certains personnels ont pu proposer des images qu’ils ont tournées en suivant les recommandations de l’artiste « des plans fixes de 5 min pile, assez larges, avec une grande perspective, souvent beaucoup de ciel pour que ça ouvre la respiration dans la salle d’attente ».
Parmi les personnels, un responsable d’accueil a notamment présenté trois vidéos qu’il avait faite de son côté et qu’il voulait ajouter au projet. Benoît Labourdette se réjouit : « Elles étaient parfaites, mais vraiment, je suis impressionné. Il avait tout compris. Il a fait des plans fixes. Sur de l’eau, dans son jardin, sur un golf et sur une rivière avec des gens qui passent en canoë. Il a pris la bonne distance dans son jardin, il a mis un fauteuil vide au milieu, comme pour inviter à s’installer. »