Lorsque je suis arrivé à l’hôpital de Rouffach j’ai été saisi par la disposition de l’architecture sur le site. Elle décrit, vue du dessus, celle d’un cerveau. De plus, le fait que les bâtiments où séjournent les patients se trouvent derrière le bâtiment administratif lorsqu’on accède à l’hôpital m’a considérablement préoccupé. En effet, l’unique emplacement qui me fut proposé pour accueillir une œuvre d’art se trouve justement devant ce bâtiment, qui le coupe du reste du site. C’est cette absence de lien avec les patients qui a motivé mes recherches. Et puis je me suis petit à petit acheminé vers œuvre qui utiliserait l’idée du son. Il était indispensable que celle-ci soit partagée par toutes les personnes présentes sur le site. J’ai alors conçu une installation de sculptures en inox, constituées de tubes émergeant de l’eau du bassin à l’entrée du site. Ces quinze tubes seront chacun surplombés d’une énorme cymbale de 60 cm de diamètre, elle aussi en inox. Chacune de ces cymbales sera fixée comme elle aurait pu l’être sur des batteries à jouer. Ainsi lors des grandes pluies et des grands vents, ces cymbales émettront des sons, qui seront produits par les éléments et voyageront par le vent, dans le site de l’hôpital psychiatrique de Rouffach. Cette musique émise par la pluie et le vent est totalement apaisante pour qui veut l’entendre. Elle est comme un mobile qui laisse chanter le temps.
Le temps nous dira si l’expérience aura été positive pour les patients. Ce qui est sûr c’est que ma volonté est de leur apporter quelque chose d’autre qui les lie à l’autre, qu’il s’agisse de leurs co-résidents, du personnel ou des visiteurs.
Kader Attia http://kaderattia.de/
né le 30 décembre 1970 à Dugny (Seine-Saint-Denis en France) est un artiste français d’origine algérienne. C’est un artiste témoin de son époque qui voit dans l’art un moyen d’expression et de réflexion sur les questionnements qui lui sont chers, tels que la difficulté à vivre entre les cultures occidentale et orientale, l’islam comme repli communautaire, ou bien la relation complexe qu’entretient la culture dominante, celle de la consommation, avec l’identité réfractaire des pays émergents. Sa volonté première est d’interroger le spectateur sur la société actuelle et ses dérives identitaires.
Je cherche à déclencher un sentiment politique chez le spectateur. Mon travail est comme nous tous confronté à la réalité. Ce qui m’intéresse, c’est lorsqu’une œuvre pose une question politique pas seulement d’un point de vue linguistique, formel, mais plus d’un point de vue éthique.