Echappade, est une traversée apaisante dans l’espace-temps.
« Pour ce projet je pars de mes séries des Postcards qui revisitent des lieux du siècle passé par des touches de couleurs, aux vernis à ongles et à la laque.
Je propose donc de partir de documents anciens (photos, cartes postales), de Créteil et ses environs sur lesquels, une fois agrandis, j’interviendrai à la peinture. Je souhaite ainsi créer un voyage coloré dans le temps, ou le regard se laisserait séduire par une histoire, des couleurs et des formes parsemées le long du couloir. En utilisant des documents anciens de la vie/ville de Créteil, Echappade serait une rencontre du passé et du présent et une interrogation sur notre ancrage dans le temps.(…)
Habiller les murs d’un couloir pour mieux saisir le temps d’un instant, mieux vivre le moment.
Au-delà de l’interrogation sur notre ancrage dans le temps, utiliser des images anciennes permet aussi de créer des liens socioculturels entre les différentes générations qui se côtoient au sein de l’hôpital. Echappade serait un vecteur de lien social intergénérationnel, entre patients, personnels soignants et visiteurs. En ce sens, l’intégration artistique devient une œuvre collective et se veut rassurante car support à la discussion et à la rêverie. L’hôpital est un lieu où toutes les générations se fréquentent, je souhaite créer un imaginaire entre leur passé, votre présent et notre futur. »
Echappade est une rêverie peinte pour tous.
« Dans ce questionnement sur la temporalité de l’œuvre, j’utilise comme à mon habitude du Jaune chaud, orange lumineux teinté de safran, rose marshmallow, du vert anisé, pourpre soyeux, coquelicot des champs … bref j’utilise la couleur comme vecteur de sensations, de vie et de lumière (les couloirs étant sans lumière naturelle). En utilisant des couleurs ‘peps’ et suaves, je souhaite injecter une touche pop, joyeuse et lumineuse pour rompre la monotonie des couloirs de l’hôpital.
Autant le personnel soignant, que les patients ont besoin d’un peu de rêverie et d’émerveillement.
Au sein de l’hôpital plus qu’ailleurs, les œuvres d’art ont pouvoir d’égayer notre regard, de rassurer nos cœurs fébriles, d’ouvrir sur un monde harmonieux. Echappade serait une pause contemplative qui apporterait une respiration et un peu de « gaité » ou d’enchantement. On se perd souvent dans les couloirs des hôpitaux. Ils sont monotones et répétitifs. »
Au printemps 2022, Léopoldine Roux a offert deux ateliers aux soignants lors desquels ils ont eu la possibilité de réaliser des esquisses en peinture sur des reproductions en noir et blanc de cartes postales de Créteil.
Les ateliers, d’abord imaginés pour les patients, sont finalement organisés avec les soignants des deux unités impliquées dans le projet artistique (l’Unité de Chirurgie Ambulatoire et l’Unité Gériatrique Aigue). Dans le contexte de crise de l’hôpital, il est apparu important de leur accorder cette attention, ce temps qui leur est dédié et cette opportunité de créer et de colorer ensemble, au cœur de leurs services et pendant leur journée de travail. La démarche est la même, collective, elle permet « au travers d’échanges, de réfléchir collectivement à ce qu’est une démarche artistique en milieu hospitalier». Ces ateliers artistiques au cœur de l’hôpital ont aussi pour but de « favoriser l’ancrage d’Echappade au sein du CHIC. »
Une trentaine de participants ont pris le temps d’une pause poétique et, guidées par l’artiste, ont déposé des touches de couleurs sur ces anciennes cartes postales en noir et blanc de leur ville, pour leur donner un autre regard. Chacun a choisi une carte postale agrandie et y a apposé ses petites touches de couleur, des gouttes colorées, en utilisant du vernis à ongle de différentes couleurs et de marqueurs Posca.
« Faites appel à votre imagination, à votre appétit des couleurs », les encourage Léopoldine Roux.
Leur objectif ? Conduire celui qui regarde cette carte postale dans un univers poétique. Elle les accompagne, suggère des idées tout en leur laissant la liberté de créer. « La couleur révèle un élément de la carte, le tranforme et parfois crée une rêverie… »
L’atelier est perçu comme un moment d’apaisement par les soignants, les couleurs sont pop, le vernis brille et donne du volume et les cartes postales ont droit à une seconde vie. « C’est très détendant, vous devriez revenir plus souvent! ». La démarche est perçue comme « surprenante », « originale », « c’est génial et j’y aurais jamais pensé! », ça « fait un bien fou! »… Et dans l’ensemble les soignants sont plutôt fiers de leurs créations.
« Cette partie de mon tableau me rappelle la nuit étoilée de Van Gogh » s’étonne une des participantes.
C’est à l’été que les œuvres de Leopoldine Roux et des soignants ont été installées et le projet inauguré. L’artiste a expliqué sa démarche et est revenue sur le processus de création nourri par les échanges avec les professionnels de l’établissement, le travail sur la notion de passage. Des pluies colorées aux mimosas en fleurs, il s’agit avec ces images des bords de Marne de saluer aussi la mémoire des gens qui sont passés avant, dans ces couloirs et en général.
Cette inauguration est l’occasion de retrouver certains participants comme cette soignante dont Léopoldine garde un souvenir ému « Pendant 20 minutes, tu n’as rien touché puis d’un coup tu t’es lâchée ! »
Une soignante témoigne aussi : en voyant mon tableau encadré et accroché dans le couloir, « je ne me suis pas reconnue ! ».
La direction de l’hôpital a salué l’opportunité pour les soignants de passer un moment créatif ensemble, une expérience de cohésion qui pour une fois ne tourne pas autour du bien-être d’un patient, un moment de partage et l’occasion en accrochant leurs réalisations « de s’approprier leur espace de travail.» Mme Vauconsant, Directrice générale du CHIC salue le travail artistique réalisé : « L’artiste Léopoldine Roux nous invite au travers de ses œuvres à un voyage poétique dans le temps. Je félicite également nos professionnels de santé pour la qualité des œuvres réalisées. Grâce à leur créativité et leur inventivité, les patients et les professionnels pourront voyager dans la ville de Créteil d’autrefois, de manière esthétique, douce et colorée. »