« Le vrai ciel c’est celui que vous voyez au fond de l’eau. »
« Le vrai ciel c’est celui que vous voyez au fond de l’eau. »
Jocelyne, Eric, Christian, Yves, Jacqueline et Marie-José sont autant de prénoms devenus familiers au fil des ateliers. Autant de teintes, d’énergies, de formes et de couleurs singulières. Toute une palette nouvelle s’offrait à moi avec une multitude d’expressions à expérimenter.
Comment faire pour immerger ces personnes dans mon univers artistique. Toute une aventure. Nous avions besoin en premier lieu d’un plan pour nous guider dans notre projet. À l’aide de feutres et de crayons de couleurs nous avons fait le tour de notre future histoire. Et nous voilà partis sur les chemins de la diversité plastique autour de la conception de notre idée. Des moulages, des assemblages, des bandages, du grillage et de la colle à papier peint multi-usages. Autant de traces laissées pour mieux nous repérer dans cette carte aux sentiers mélangés. L’objectif à atteindre étant de concevoir des sculptures de nageurs bleu azur mystérieusement sortis du sol pour respirer. Une expérience basée sur le corps, corps d’aventuriers mis à l’épreuve, modèles essoufflés. D’abord la main, le bras puis le cou ! Comme si l’on touchait la surface de l’eau avec l’index, juste pour la goûter, puis y plongeant la main pour s’y amuser, puis le bras tout en laissant son corps disparaître dedans. Il aurait été plus facile que l’eau reste à l’état liquide. Mais, l’eau se durcit, le corps se raidit, les membres lourds et oppressés s’agitent et se cassent. « Quelle idée folle d’artiste, le moulage ! ».
Tant que la nuance d’Éric, avec la teinte d’Yves, et la ligne de Christian avec les courbes de Jacqueline s’accordent et que l’effet s’emplit d’émotions même en suivant les hors-pistes de la création. Chaque étape a son utilité, chaque palier sa compréhension, chaque pause son efficacité et l’eau apparaît comme liant vital de la composition.
Ces « plongeurs » véhiculent l’idée d’un va-et-vient entre le réel et l’irréel, ils représentent cette frontière mince et subtile que chacun a. L’humain, fait d’incertitudes et de certitudes, s’est avéré pour moi un choix pertinent quant à l’illustration de ce passage étroit. Les plongeurs de l’imaginaire tels que je les nomme, signifient par leur couleur : l’élément eau mais aussi le ciel. Ainsi « Le vrai ciel, c’est celui que vous voyez au fond de l’eau » pose la question du regard. Ces sculptures sorties de terre, évoquent à la fois l’intrusion, la simple curiosité, l’hallucination, l’étonnement ou bien l’émerveillement. Tout reste une question de point de vue ou d’appréhension face à l’inconnu et à notre capacité à voir les choses d’un bon ou mauvais côté. Ces plongeurs de l’oubli, comme je les nomme aussi, font naître en nous des questionnements autour de l’inconscient, du mystère. Qu’ont-ils exploré sous terre, qu’ont-ils vu ? Qu’ont-ils à nous raconter ? Ils témoignent des possibles, de la non limitation de l’esprit qui a la faculté de pouvoir se déplacer où il le souhaite. Une telle réalisation dans le cadre d’un établissement psychiatrique n’est pas neutre. Ce sont donc les patients qui s’empareront de toute la rêverie autour du projet, leur regard sera celui des plongeurs.